Bonjour Sarmite,
Aucune de nous deux ne dira le contraire: tout se transforme, se réinvente. Pensons donc circulaire… y compris pour cette courte interview qui nous permettra d’un peu mieux vous connaître, vous et votre travail autour des bio-matériaux!
Un « nido », c’est un « nid » en espagnol; quel a été votre berceau en tant que designer? Et comment vous êtes-vous lancée « sur le ring » des bio-matériaux?
Je ne pense pas qu’investiguer de nouveaux matériaux ou de nouvelles manières éco-responsables de produire ait été un objectif initial conscient. Néanmoins, ce qui est intéressant, c’est que j’y revenais systématiquement. Déjà à l’école de design, dans de nombreuses matières, je choisissais d’envisager les ressources sous un autre angle, de m’appuyer sur les enseignements de la nature ou simplement d’essayer d’expliquer aux gens comment en tirer le meilleur parti. À travers mes réalisations je cherche à faire passer un message et je sens que travailler avec un matériau lambda ne me permettrait pas de le faire aussi bien. J’ai désormais accepté l’idée que je me dirigerai probablement toujours vers des techniques certes plus complexes mais qui apporteront plus de valeur à la société. Aujourd’hui c’est à nous, designers, de challenger les systèmes de production existants qui épuisent les ressources naturelles. Si nous ne le faisons pas, qui d’autre le fera? D’ailleurs, je note que le changement est amorcé: le marché impose aux secteurs de la mode et de l’automobile d’être « plus verts » alors les marques me contactent pour en savoir plus sur PineSkin (bio-matériau à base d’écorce de pin). Quel pouvoir que le nôtre!
Vous êtes invitée à une table ronde inattendue. Avec qui discutez-vous de la genèse de votre projet PineSkins et des derniers avancements? Que lui/leur racontez-vous?
Oh, un grand moment! J’imagine une table ronde et un fond noir sur lequel seuls nous, les invités, ressortons. Un peu comme dans « Qui veut gagner des millions? »!! Je suis assise avec deux personnes, un chimiste fou et Paul Rand. Nous parlons de transformer du laid inutile en quelque chose de sublime. Paul, dans son travail graphique, a beaucoup joué sur les formes et les couleurs seules; il voulait rendre le design accessible à tous et je partage cette bataille. Le chimiste quant à lui apporte des solutions du type: « En mélangeant simplement A et B, tu obtiendras la colle parfaite! ».
Imaginez un diagramme en camembert. Si vous deviez y refléter votre expérience avec l’écorce de pin comme matière première, à quoi ressemblerait-il?
22% de temps dans la forêt, à me demander pourquoi, grand Dieu, je n’ai pas choisi un matériau qui s’achète en magasin
20% à imaginer tout ce que je pourrais en faire!
20% à l’améliorer (résistance, couleur et autres propriétés techniques)
20% à concevoir des objets
18% à me demander si ça va marcher au moins…
Entrons dans la boucle des confidences… y aurait-il une autre matière première un peu « folle » avec laquelle vous aimeriez travailler un jour?
J’aimerais découvrir plus d’arbres! Je voudrais voir ce que donne la même technique de bio-softening sur d’autres espèces. L’écorce de chaque arbre a une structure, une odeur, une couleur différente. Ne serait-ce pas génial de pouvoir choisir en boutique entre plusieurs « peaux » d’arbres comme on le fait pour du cuir? Et sinon, je fais aussi des expériences avec mes chutes d’écorce. Je les hache et les mélange avec une résine d’arbre; j’obtiens ainsi un matériau fluide que je peux verser dans des moules pour créer de nouvelles formes. C’est fascinant d’obtenir tout ça avec les ressources d’une seule espèce, en appliquant juste des combinaisons différentes. Imaginez tout ce qu’on pourrait faire!
Enfin, auriez-vous un mantra à nous prêter pour la route?
Partir toujours sur « le plus bizarre ». Qu’il s’agisse d’une idée, d’une forme, d’un matériau. C’est toujours gratifiant ;)
Merci et bonne journée!